CHAPITRE IX - L¹AMÉRIQUE

Notre passage à la douane fut assez rapide, malgré une fouille en règle de nos bagages. Massardo avait eu raison de sacrifier son litre de Banyuls, jamais il n¹aurait pu échapper au regard soupçonneux du douanier.

Après la douane, nous passâmes entre les mains des agents du service de l¹immigration. Là, les agents furent encore plus tatillons, on alla même jusqu¹à nous demander si l¹on avait l¹intention de rester aux États-Unis.

Enfin, nous pûmes nous installer dans un car que l¹US Navy avait mis à notre disposition pour la journée. New-York nous parut être une ville sale, les rues étaient jonchées de papiers et divers détritus. Pourtant au fur et à mesure que nous approchions de Manhattan, les trottoirs et la chaussée semblèrent mieux entretenus. Le car nous arrêta devant un foyer pour marins où l¹on nous servit un petit-déjeuner fait d¹un jus d¹orange, d¹¦ufs au bacon, de porridge, de confitures, le tout arrosé d¹un café à l¹américaine, c¹est-à-dire très léger.

Puis le car nous promena dans les rues de New-York. Pour nous, qui n¹avions pas la télévision pour nous ouvrir au monde, tout était sujet d¹étonnement et d¹émerveillement. Même les taxis jaunes, les Yellows Cabs, nombreux et omniprésents. Et puis ces immenses automobiles de toutes les couleurs, des plus criardes aux teintes les plus discrètes, nous qui n¹avions l¹habitude de voir en France, que les sempiternelles voitures noires, avec parfois seulement, une beige ou une grise de-ci de-là.

Nous descendîmes Broadway Avenue, la plus célèbre et la plus connue pour nous Français; nous traversâmes Central Park, nous nous arrêtâmes au pied de l¹Empire States Building, alors le plus haut gratte-ciel du monde. Nous exprimâmes le désir de monter au sommet, malheureusement le temps manquait, nous étions attendus au Cercle de l¹Us Navy, pour y dîner.

Dans une salle à manger d¹un luxe inouï, nous fûmes répartis par tables de six, comme par hasard, j¹avais pour voisins, Massardo, Glomeau un Lyonnais et l¹enseigne de vaisseau Cahuzac le chef du détachement, tous trois destinés au même navire que moi, mais je ne le savais pas encore.

La seule chose que l¹on avait apprise depuis notre départ, c¹est que nous devions prendre possession de six patrouilleurs côtiers et d¹un LST (Landing ships tanks) navire de débarquement, que nous cédaient les Américains, pour nous aider dans notre combat contre le Viet-Minh. Si Cahuzac connaissait notre destination finale, nous, simples matelots, nous n¹en savions rien.

En attendant, nous dînâmes dans un cadre de rêve, même si les mets servis nous étonnèrent et nous laissèrent dubitatifs, comme ces spaghettis à la confiture.

Nous remontâmes dans notre car, cette fois-ci pour nous rendre à la Gare Centrale, où l¹on nous fit monter dans un train, d¹un luxe à faire pâlir de honte l¹Orient-Express.

Il était à peu près vingt heures lorsque le train s¹ébranla. Aussitôt, l¹employé noir affecté à notre voiture, nous demanda de nous rendre au wagon-salon, afin qu¹il puisse préparer nos couchettes. De jour, la voiture se composait de banquettes se faisant vis-à-vis, séparées dans la longueur par une allée centrale. Nous étions un par banquette ‹ ce qui, en France, aurait offert une place suffisante pour trois personnes ‹. Pour la nuit, les deux sièges en vis-à-vis étaient transformés en une couchette, au dessus d¹elle, un panneau s¹ouvrait, déployant une autre couchette. Chaque couchage faisait environ un mètre de large, possédait un éclairage individuel et était fermé par un rideau qui l¹isolait du couloir central. Les draps et les couvertures étaient changés chaque jour. Que dire des toilettes et des lavabos, en fait une véritable salle d¹eau, avec douche. Inutile de dire que voyager dans ces conditions allait au-delà de ce que l¹on pouvait rêver.

Je dormis profondément pour ma première nuit américaine. Le lendemain, après que les couchettes eurent été repliées, que l¹on eut déjeuné (à l¹américaine), nous nous installâmes confortablement dans nos banquettes, fauteuils serait plus exact. Le paysage était tout blanc, une neige épaisse recouvrait toute l¹étendue étalée à nos regards. Nous traversâmes des petites bourgades, l¹une d¹elle, Paris, nous rappela que la région avait été française, il y a bien longtemps. Puis nous roulâmes dans la région des Grands Lacs. Nous longeâmes un instant le lac Michigan. Chicago fut traversé de nuit, tout le monde dormait dans le train. Nous nous retrouvâmes au matin du deuxième jour, dans les grandes plaines du Minnesota, immenses étendues planes recouvertes de neige, à perte de vue. Nous laissâmes derrière nous, Joliet, Saint-Paul, Minneapolis.

Nous passions notre temps à admirer les paysages, à jouer aux cartes dans la voiture-salon, le bar ne servait que du coca-cola ou des milk-shaks, boissons peu prisées de nous-autres, marins.

A Minot, dans le North-Dakota, le paysage devint plus vallonné. Lorsque nous abordâmes les contreforts des Rocheuses, nous fîmes une halte dans une petite gare au nom bien de chez nous, Havre, dans le Montana, pour ajouter une motrice supplémentaire à notre convoi, afin de franchir plus aisément la montagne toute proche. Nous profitâmes de cet arrêt prolongé pour descendre sur le quai, où une folle bataille de boules de neige se déclencha. D¹abord marins contre américains, puis comme il va de soi, les hommes des deux nationalités se liguèrent contre les femmes. Pensez si nous avons eu du succès, ce n¹était pas donné tous les jours, de voir des French-Navy perdus dans les Montagnes Rocheuses. Les journaux locaux durent en faire leurs grands titres le lendemain, vu la quantité de photos prises lors de notre récréation.

Le voyage continua, maintenant la beauté du paysage retint toute notre attention, plus question de jouer aux cartes, nous nous étions tous retrouvés dans la voiture panoramique, béats d¹admiration devant tant de merveilles. Les animaux sauvages ne manquaient pas au programme, les orignaux, les daims, les renards, nous pensions voir des ours, mais l¹hiver ils hibernent et notre espoir fut déçu.

Les Rocheuses franchies, nous nous réveillâmes à Spokane, nous venions de passer notre quatrième et dernière nuit dans le train. Au lieu de continuer notre chemin tout droit, nous nous dirigeâmes vers le sud, vers Portland, en Oregon. Là, nous changeâmes de train pour la dernière partie du trajet.

Nous savions maintenant que notre destination était Bremerton, le port de guerre de Seattle. Dès notre arrivée à Seattle, un car nous conduisit à l¹embarcadère des ferries où l'un de ces bateaux nous fit traverser la baie jusqu¹à la base de Bremerton. Notre merveilleux voyage avait duré quatre nuits et quatre jours.

Dès l¹arrivée, nous fûmes reçus par les officiers et les officiers-mariniers des sept navires dont nous venions prendre possession. Ils nous apprirent que notre groupe était le dernier contingent à venir compléter les équipages, en place depuis décembre et même novembre, pour certains d¹entre-eux.

On nous distribua nos nouvelles affectations, Cahuzac qui serait notre officier en second, Massardo, Glomeau et moi, embarquâmes sur le Trident, un patrouilleur côtier de la classe de la Dague. Les autres furent répartis entre les cinq autres patrouilleurs et le Vulcain un LST transformé en navire-atelier.

Sur ce type de bâtiment, l¹équipage au complet comptait une cinquantaine d¹hommes, commandant, officiers, officiers-mariniers et marins compris. Seul le ³Pacha³ (commandant) avait une cabine personnelle, l¹officier en second et l¹officier en troisième partageaient une même cabine, ensuite les officiers-mariniers étaient réunis dans un poste à part, l¹équipage, lui, se répartissait par tiers, dans trois postes d¹équipage les postes I et II situés à l¹avant, le poste III se positionnant sous le poste II, à fond de cale. Chacun d¹entre nous avait une couchette au lieu du hamac en vigueur dans les marines française et anglaise.

Nous prenions nos repas, dans une cafétéria contiguë à la cuisine, à l¹arrière du navire. L¹équipage et les officiers-mariniers partageaient ce même local, seulement séparés par un rideau ; le ²Pacha³ et les deux officiers, eux, mangeaient au carré des officiers situé sur le pont à l¹arrière de la passerelle.

Les sept bâtiments étaient en cours de réhabilitation. C¹était des bateaux qui avaient été mis en réserve et partiellement désarmés. Il fallait donc remettre les machines, les instruments de navigation et les armements en état, après de longues années passées sous cocon.

De nombreux ouvriers américains venaient chaque jours travailler à bord. Des liens d¹amitié s¹étaient noués dès le début, aussi, beaucoup de copains présents depuis la fin de l¹année avaient été invités à fêter Noël dans des familles américaines .

Le soir, les matelots de l¹US Navy se pressaient à bord. Par une autorisation spéciale, nous avions obtenu la permission d¹embarquer de la bière sur nos bateaux devenus français. Il était beaucoup plus facile pour eux de venir boire à bord que d¹aller dans les bars de la ville. Chaque matin, un camion venait livrer des dizaines de caisses de bière en boîte qui étaient consommées le soir.

Les marins américains nous enviaient, car sur leurs navires, toute vente d¹alcool était interdite, et la bière pourtant légère, entrait dans la catégorie prohibée. S¹ils avaient su, qu¹en outre, nous embarquions du vin pour notre ration quotidienne, réglementaire dans notre marine, ils auraient été stupéfaits.

Ce vin que l¹on nous servait aux repas n¹était pourtant pas très bon. C¹était une affreuse piquette, produit de la Californie, appelée pompeusement Burgundy, qui nous était livrée en gallons, l¹ équivalent de trois litres quatre vingts.

Le soir, c¹était aussi un marchand d¹ice-cream qui venait nous vendre ses produits, d¹excellentes crèmes glacées conditionnées dans des grandes boîtes de carton paraffiné.

Je fis peu de sorties à Bremerton, la première s¹étant soldée par une vexation énorme. J¹étais, avec Massardo, Glomeau qui étaient devenus mes copains, et Gaillard un quartier-maître électricien, entré dans un bar à bière. Nous commandâmes une pinte de bière, le barman me toisant du regard me demanda ma carte d¹identité. Quelle ne fut pas ma honte et ma colère lorsqu¹il refusa de me servir, au prétexte que je n¹avais pas vingt et un ans, l¹âge légal pour boire de l¹alcool aux États-Unis. Gaillard me fit signe de me calmer et me tendit son verre, mais alors le barman furieux, m¹ordonna de sortir, ce que je fis accompagné par mes copains.

Toutes les semaines, il y avait des combats de catch. C¹était un spectacle surprenant et une foule nombreuse y assistait. Par deux fois, je me rendis avec les copains au ³Bremerton Civic Center² pour encourager les deux Français, Pierre Label et Maurice La Chapelle, chouchous des femmes et grands redresseurs de torts, face à l¹affreux Jojo qu¹était Masked Marvel avec sa prise diabolique des reins cassés et le non moins méchant Herb Parks.

Une autre fois, toujours en compagnie des mêmes copains, nous prîmes le ferry-boat pour nous rendre à Seattle. Après nous être promenés un moment, nous avisâmes une boîte de nuit du genre Lido de Paris, le Chineese Garden. Encore une fois l¹entrée m¹était interdite, je suppliai les copains de ne pas entrer, ne voulant pas rester seul dans cette grande ville inconnue. Ils me dirent de ne pas m¹en faire, je n¹avais qu¹à me baisser en passant devant le guichet d¹entrée, afin de passer inaperçu. Je m¹exécutai, tremblant à la pensée de ce qui m¹arriverait si je venais à être découvert. Finalement tout se déroula à merveille, j¹entrai sans me faire voir. Une fois à l¹intérieur, je ne risquais plus rien, la sélection se faisant à l¹entrée.

Une ouvreuse, chinoise, en tutu, nous mena à une table libre, puis elle nous fit apporter d¹énormes pintes de bière, apparemment seule boisson servie dans ce lieu. Sur scène un spectacle d¹acrobates chinois fit bientôt place à des danseuses nues.

La table proche de la nôtre était occupée par des militaires. Nous n¹y prîmes pas garde sur l¹instant, ce sont eux qui, nous voyant, vinrent nous congratuler, heureux de pouvoir parler avec des Français. Ils nous apprirent qu¹ils étaient Québécois, soldats au 22 ème Royal Régiment et qu¹ils étaient en instance de départ pour la guerre de Corée. Heureux nous aussi, de retrouver des presque compatriotes, nous rapprochâmes nos deux tables et nous bûmes forces pintes de bière, d¹abord à la santé du Québec, puis à celle de la France, à la Corée, à l¹Indochine et finalement à la nôtre, ce qui fit un grand nombre de pintes éclusées.

La soirée s¹avançait, lorsqu¹une jeune et superbe Chinoise vint du devant de la scène, vers nous. S¹adressant à moi en anglais et me prenant par la main, elle me fit comprendre qu¹elle voulait que je la suive. Intrigué, je partis à ses côtés, elle n¹arrêtait pas de parler, en pure perte, je ne comprenais pas un mot. Elle m¹emmena dans un bureau marqué ³Private³, elle me présenta à un Chinois d¹une cinquantaine d¹années, je compris qu¹il s¹agissait de son père; puis elle m¹entraîna, toujours par la main, derrière les coulisses où elle me présenta à toute la troupe de danseuses qui me firent la fête, m¹embrassant, me serrant dans leurs bras, nus, comme le resteŠ. Cela dura de longs moments, à la fin, craignant que les copains ne repartent sans moi, je le lui fis comprendre et elle me ramena à ma table. Les copains bien sûr, m¹interrogèrent sur cette escapade, avec un brin d¹envie dans leurs regards.

L¹un des Canadiens eut le temps de me donner l¹adresse d¹une de ses cousines, Lyse Poisson, habitant à Asbestos au Québec, me disant qu¹elle serait heureuse de pouvoir correspondre avec un marin Français.

 

Le deux mars, il y eut une grande cérémonie pour la remise officielle des sept bâtiments à la France. Il y avait là, tout le gotha américain et français avec leurs familles et invités. Nous étions tous sur notre trente et un, ayant à c¦ur de montrer une belle image de la Marine française.

Après les discours d¹un représentant du Gouvernement américain et de l¹ambassadeur de France, les bateaux furent officiellement baptisés. Le Vulcain et le Trident déjà nommés, les autres patrouilleurs prirent les noms de Glaive, Flamberge, Mousquet, Inconstant et Ardent.

 

Beaucoup d¹ouvriers et de techniciens américains participaient aux côtés des hommes d¹équipage, à la remise en état des sept bâtiments.

Une scène cocasse se déroula un jour, dans la salle des machines. Jean Saliou, le maître mécanicien, s¹expliquant avec un technicien américain sur un problème de réglage, lui dit en substanceŠ

‹ Dze circulationne is stoppée net, bicause dze valve is not opénèdeŠ

L¹Américain réfléchit quelques secondes, cherchant à comprendre, puis soudain, lui donnant une grande tape sur l¹épaule, partit d¹un grand rire puis s¹écria Š

‹ O K ! Johnny Š

 

La remise en état des bâtiments étant terminée, nous procédâmes à plusieurs essais en mer. Une chose nouvelle pour moi, mon poste de quart n¹était plus la veille sur la passerelle, mais dans la chambre de barre, au chadburn. Cet appareil servant à transmettre à la salle des machines, les ordres que l¹officier de quart nous communiquait, par un tube acoustique reliant la passerelle à la chambre de barre. Je faisais équipe avec André, un quartier-maître de man¦uvre , ³ bosco³ en langage marin.

Pendant nos quatre heures de quart, nous nous relayions toutes les heures, une heure de barre, une heure au chadburn, cette dernière étant la moins contraignante. Je dûs apprendre à tenir la barre, surtout à garder le cap. Ce qui me vint très vite, car, sans vouloir me gonfler les chevilles, les ³Pachas³ successifs que j¹eus par la suite me donnèrent toute leur confiance, de préférence aux spécialistes, pour gouverner le bateau, dans les moments les plus délicats.

Pendant l¹une de nos sorties, je fus appelé à procéder à des tirs de grenades anti-sous-marines, afin de tester le bon fonctionnement des lanceurs, mais aussi, pour me familiariser avec les mises à feu, dont le fonctionnement, s¹il est toujours basé sur le même principe, était différent des mises à feu anglaises, en service sur les deux frégates à bord desquelles, j¹avais fait mes premières armes.

Dans les minutes qui suivirent, le canot fut mis à la mer et deux copains, munis de gaffes, allèrent sur les lieux, repêcher d¹énormes congres tués par les explosions. Je me souviens que l¹un d¹eux faisait plus de trois mètres de long.

L¹une de ces sorties en mer faillit mettre en défaut, ma résistance au mal de mer. La veille au soir, nous avions eu des choux-fleurs, au dîner. Puis, Glomeau, Le Gloannec et moi, nous nous étions retirés dans un des postes d¹équipage, chacun avec sa caisse de vingt quatre boîtes de bière. Toute la soirée nous avions bu nos bières jusqu¹à la dernière boîte.

J¹ai déjà dit que cette bière était faiblement alcoolisée, aussi, habitués que nous étions, à boire des boissons plus corsées, cela ne nous incommoda pas le moins du monde, si ce n¹est l¹affreux mal de crâne que nous ressentîmes le lendemain, jour d¹appareillage.

Par un fait exprès, la mer était démontée. Toute la journée nous fûmes ballottés encore plus durement que lors de notre sortie sur la Dague. La plupart des membres de l¹équipage eurent le mal de mer. Le lieutenant de vaisseau Guyon, le ³Pacha³ se signa, montrant par là, qu¹il n¹avait pas dû être souvent confronté à une tempête. Lioure un matelot mécanicien, originaire de Beaucaire, faillit être emporté par une lame qui balaya le pont. De mon côté, je tenais la barre avec difficulté, j¹avais en même temps, des relents de choux-fleurs et de bière, et toujours cet affreux mal de tête. Enfin je tins bon, et le soir, en rentrant au port, j¹eus la fierté d¹avoir, malgré mon handicap, résisté une fois de plus à ce maudit mal de mer.

 

Le 10 avril 1951, les deux premiers patrouilleurs le Glaive et le Trident appareillèrent pour rejoindre leur destination finale, l¹Indochine. Les autres bâtiments devant suivre deux par deux, à une semaine d¹intervalle.

Nous franchîmes l¹entrée de la baie, passant sous l¹impressionnant et célèbre pont Golden Gate qui, à l¹époque, n¹avait que treize ans d¹existence. Puis par bâbord, nous doublâmes la non moins célèbre prison de l¹ Alcatraz pas encore désaffectée, puis nous nous dirigeâmes sur Treasure Island, cette île située au centre de la baie, à mi-chemin de San Francisco et Oakland, lieu de notre accostage.

Un pont immense traversait la baie, reliant San Francisco à Oakland, le Oakland Bay Bridge, long de treize kilomètres, et qui prenait appui en son presque milieu, sur Treasure Island.

Les hommes n¹étant pas de service furent autorisés à aller à terre. Étant moi-même de quart, je me promis bien d¹aller découvrir San Francisco, le lendemain.

J¹étais justement de quart à la coupée, lorsque vers minuit, la Military Police, nous ramena plusieurs copains, dont trois du Trident , complètement ivres.

Le lendemain, n¹étant plus de service, je sortis à mon tour. J¹étais accompagné de Massardo et Gaillard qui, en vieil habitué ‹la veille, il était déjà allé en ville ‹, nous guida pour prendre le métro, à l¹arrêt de Treasure Island. Nous pûmes constater que le ³Bay Bridge² était incroyablement immense avec ses deux niveaux, l¹un pour le métro, l¹autre avec ses six couloirs, réservé au trafic routier. Nous visitâmes San Francisco de fond en comble; nous prîmes le tramway si typique de la ville, pour nous rendre par California Street, au Chinatown. Malgré Gaillard plus porté sur la boisson, nous restâmes sobres. De toute façon, j¹étais impitoyablement refoulé dès que je faisais mine d¹entrer dans un bar autre qu¹un Milk-bar.

Une excursion fut organisée, à laquelle je pus me joindre. Un car vint nous prendre à la base, puis par le ³Bay Bridge², nous gagnâmes Oakland, que nous traversâmes sans nous arrêter. Nous suivîmes la route vers le sud, jusqu¹à Monterrey, ville où fut tourné deux ou trois ans plus tard, le film La Fureur de vivre, avec James Dean. Nous pique-niquâmes sur la plage, sous les regards intéressés d¹une brochette de jeunes étudiantes avec lesquelles nous tentâmes une approche, mais il y avait la barrière de la langue et nous en restâmes là.

Au retour, nous fîmes une halte à Santa-Cruz, où nous créâmes la sensation, à la fête foraine près de la plage, que nous investîmes d'une manière toute pacifique.

A notre retour à bord, nous avions vu l¹Amérique et tout ce qu¹il pouvait y avoir de différent avec notre pays, comme ses énormes voitures, ses gigantesques et innombrables enseignes lumineuses, multicolores et agressives, ses multiples drive¹in, cinémas en plein air, tellement nouveaux pour nous.

 

Le 17 avril, toujours de conserve avec le Glaive, nous appareillâmes par un temps magnifique. Dès que nous fûmes sortis de la baie après être passés pour la seconde fois sous l¹impressionnant ³Golden Gate³, nous mîmes le cap au deux cent soixante dix, cap que nous allions maintenir pendant toute la traversée du Pacifique.

Le 24 avril, nous abordâmes les îles Hawaï, deuxième escale de notre long périple. Un pilote monta à bord afin de nous conduire à notre lieu d¹amarrage, dans le port de Pearl-Harbor. Dans la rade, plusieurs vestiges de l¹attaque japonaise du 7 décembre 1941, étaient encore très visibles.

Sur le quai, une réception à la polynésienne nous attendait. Tandis qu¹un orchestre, sur des guitares hawaiiennes, jouait des airs folkloriques, trois danseuses en paréo, parées de colliers de fleurs, entamèrent un tamouré qui enflamma nos coeurs, sevrés par huit jours de mer.

A la fin, nous eûmes tous droit à notre collier de fleurs, puis, il eut une grande fraternisation entre marins et curieux, venus nombreux assister à l¹arrivée des French-Navy, dont les visites, en ce lieu, devaient être aussi rares qu¹un cheveu sur la tête d¹un chauve.

Les sorties dans Honolulu, distante d¹une quinzaine de kilomètres, se succédèrent à un rythme soutenu. Les habitants, surtout les habitantes, nous réservèrent un accueil très chaleureux ; chose curieuse, ou était-ce l¹effet du climat, mais même les militaires et les marins américains, pourtant omniprésents dans la ville, ne nous cherchèrent aucunement querelle, au contraire, ils se bousculèrent pour nous offrir des tournées de bière à qui mieux mieux.

Je fis la connaissance d¹une ravissante beauté locale qui voulait absolument que je vienne la retrouver, lorsque mon temps serait fini dans la marine. En gage de son amour, elle me donna une bague, sans doute sans grande valeur, que je perdis au cours de mes pérégrinations.

De son côté, le second-maître canonnier Morvan, faisant office de capitaine d¹armes à bord, avait fait la connaissance d¹une Française mariée à un Américain, et qui occupait la fonction de professeur de Français dans un établissement de la ville. Cette Française et son mari, avaient invité Morvan à passer la journée du dimanche en leur compagnie, elle souhaitait également la présence d¹autres marins. Morvan nous fit part, à Moreau le matelot armurier et à moi-même, de cette invitation et nous demanda de l¹accompagner.

La Française et son mari vinrent en voiture, nous chercher à la base puis il nous emmenèrent faire le tour de l¹île d¹Oahu. Nous pûmes admirer ses sites splendides, ses volcans, heureusement au repos, ses champs de cannes à sucre, ses plantations d¹ananas. Chaque tour de roues nous faisait découvrir des merveilles aussitôt surpassées par d¹autres plus belles encore.

Le soir, après s¹être détendus un moment sur la somptueuse plage de Waikiki, nous terminâmes notre inoubliable journée dans un restaurant chinois, à Honolulu.

 

Nous restâmes dix jours aux îles Hawaï. Malheureusement, même les meilleures choses ont une fin. Nous appareillâmes le 6 mai, toujours cap au deux cent soixante dix.

Dans nos soutes, nous emportâmes des dizaines de caisses d¹ananas, il y en avait même d¹arrimées sur le pont. Pendant les semaines qui suivirent, nous fîmes tous, une cure de ces délicieux fruits parfumés.

Nous naviguions maintenant, dans le Pacifique tropical. La mer ne dépassait pas force deux, tout allait pour le mieux.

Nous assistions depuis quelques temps à des spectacles surprenants, comme le vol froufroutant des poissons volants, ou bien, la nuit, les myriades de minuscules poissons phosphorescents, nageant en surface et donnant l¹impression de naviguer sur une mer lumineuse.

Chaque matin, nous rejetions à la mer quatre ou cinq cadavres d¹exocets qui, ayant survolé le Trident, s¹étaient échoués sur le pont pendant la nuit.

Le jeudi 10 mai à douze heures, le ³Pacha³ nous fit une déclaration qui nous étonna sur le coup, puis nous amusa beaucoup ensuite, nous venions de franchir la ligne de ³changement de date³ . Cela, du fait que nous allions d¹est en ouest, nous faisait sauter 24 heures ; du jeudi midi nous nous retrouvâmes au vendredi midi. Nous avions ainsi, vieilli d¹une journée sans même l¹avoir vécue.

Après une semaine de navigation, nous abordâmes le 12 mai, l¹archipel des Marshall. Nous mouillâmes dans le lagon de l¹atoll de Kwajalein, l¹atoll principal de cet immense archipel, qui comprenait entre autres, les atolls de Bikini et d¹Eniwetok, lieux d¹expérimentation des bombes atomiques et thermonucléaires américaines.

Nous restâmes trois jours, que nous employâmes à nettoyer le bateau et à procéder aux petites réparations et réglages toujours nécessaires après plusieurs jours de navigation. C¹est au cours du lessivage de la coque, qu¹un camarade manoeuvrier, Grellier, tomba malencontreusement dans l¹eau du lagon, il fut aussitôt entouré par une dizaine de jean-louis, nom que nous autres marins, donnions aux requins. Nous le hissâmes à bord alors que déjà certains d¹entre eux s¹approchaient dangereusement. Grellier en fut quitte pour une belle trouille .

L¹atoll étant une zone militaire plus ou moins secrète, nous ne fûmes pas autorisés à descendre à terre, pendant notre séjour; seul, le commandant put rendre une visite de courtoisie, au commandant américain de la base.

Le 15 mai, nous reprîmes notre route, toujours cap au deux cent soixante dix. Au sud de l¹archipel des Carolines, nous doublâmes d¹innombrables petites îles à faire rêver. La plupart étaient inhabitées, car trop minuscules. Parfois seuls quelques palmiers entourés d¹un anneau de sable fin émergeaient de l¹océan.

Je regrette de ne pas être poète, pour décrire les couchers de soleil, superbes sur la mer, sublimes lorsqu¹ils survenaient derrière un écran d¹îlots aux teintes vert et or. Et la nuit, toujours cette eau phosphorescente qui nous donnait l¹impression de surfer sur un tapis de perles.

Le 19 mai, nous franchîmes l¹équateur. Ce fut l¹occasion de grandes festivités à bord. Les anciens ayant déjà franchi la ligne, avaient préparé de longue date, les épreuves du baptême des néophytes. Le baptême présidé par Neptune-Hascouët Dieu des Mers et des Océans, assisté des sauvages Morvan et Bonnet, du facteur Hall, du gendarme Claude, de l¹ Astronome E. V. Nourry, du cireur, du barbier et j¹en passe.

Nous, néophytes, fûmes d¹abord plongés dans une baille remplie d¹eau, la figure passée au cirage puis, aspergés de farine. Tout cela dans une ambiance de kermesse. Même Colgate, le chien que nous avions récupéré ‹ peut-être d¹une façon pas très catholique ‹ à Bremerton, était tout joyeux, mordillant les chevilles des deux sauvages (en tutu de filasse) ornées de bracelets en os de lapin.

Nous eûmes droit à un repas de gala, le vin coula à flots. Ce jour-là, nous avions totale liberté, la discipline, pourtant très coulante à l¹ordinaire, fut jetée aux orties. Par exemple, mon état ne m¹autorisant pas à assurer mon quart, le ³Pacha³ me fit remplacer, bien qu¹habillé de ma seule nudité, j¹insistasse pâteusement pour vouloir tenir la barre.

Claude, un vieux quartier-maître de première classe canonnier, père de famille aux cheveux blancs, en serait à son troisième séjour d¹Indochine. Il avait été prisonnier des japonais de 1940 à 1945 .

Ce soir-là, il était un peu gris, il avait joué le rôle du pandore, lors du baptême de la ligne, ce qui avait dû lui donner soif. Il était de quart à la passerelle, scrutant l¹horizon à la jumelle, lorsque soudain, il annonça

‹ Une multitude de feux, droit devant !

L¹officier de quart se précipita sur ses jumelles qu¹il dirigea vers l¹avant. Ne voyant rien, il demanda au radariste s¹il détectait des échos par l¹avant; la réponse fut négative. Cahuzac questionna de nouveau Claude. Claude confirma

‹ Une multitude de feux droit devant !

L¹officier de quart se tourna vers lui, et s¹aperçut que Claude, titubant dirigeait ses jumelles sur le ciel, particulièrement étoilé cette nuit-là.

Claude était un marrant, il racontait un tas d¹anecdotes plus ou moins cocasses, qu¹il avait relevées pendant ses dix ans de présence en Indochine. Passons sur les horreurs que commirent les Japonais, pendant l¹occupation.

Il y avait une histoire, qu¹il racontait pour vraie: celle d¹un lieutenant de vaisseau, commandant une canonnière sur le Mékong. Un jour il demanda à son boy

‹ Kâ!Š va me chercher un bouquin

‹ De quel auteur ? capitaine ?

‹ Oh! Qu¹importe la hauteur, pourvu qu¹il rentre dans ma cabine

Claude en connaissait plein comme ça.

 

Le lendemain soir, après nous être concertés par phonie avec le Glaive, nous stoppâmes les machines au large d¹une des nombreuses petites îles constellant cette partie de l¹océan. Dans le youyou, mis à la mer, prirent place l¹enseigne de vaisseau de 2ème classe Nourry, le quartier-maître commis Le Bloas et le quartier-maître mécanicien Dubois qui prit les commandes de la moto-godille. Tous trois se dirigèrent vers la plage dorée et mirent pied à terre. Ils revinrent un peu plus tard, avec un chargement de papayes et de bananes vertes, que leur avaient vendues le petit groupe d¹indigènes vivant sur cet îlot perdu. En prime ils ramenaient à bord, un superbe cacatoès, cadeau de ces sympathiques mélanésiens.

 

Le 21 mai, nous touchâmes au petit port de Hollandia en Nouvelle-Guinée hollandaise. Le paysage était encore différent, les habitants surtout.

Peu de temps auparavant, ces peuplades côtières étaient encore sauvages. Elles vivaient dans des paillottes sur pilotis, se déplaçaient sur des pirogues à balancier. En 1997, cela semble commun, mais en 1951, tout était pour nous, sujet d¹étonnement. Les indigènes pêchaient ou plutôt, chassaient le poisson à l¹aide d¹un arc et de flèches et vivaient à moitié nus.

En mer, la brise du large nous apportait une certaine fraîcheur, mais là, l¹atmosphère surchauffée et humide de la saison des pluies, devenait difficile à supporter. Les pluies aussi violentes que soudaines alternaient avec un soleil de plomb.

Nous avions constaté par exemple, que les averses se répétaient toujours aux mêmes heures, il en était ainsi de celle de seize heures trente. Alors que l¹air devenait irrespirable, de gros nuages sombres et menaçants venant du sud, éclataient soudain après quelques coups de tonnerre, déversant leurs trombes d¹eau sur le pont brûlant du bateau, nous apportant enfin un peu de fraîcheur bienvenue.

Au cours de notre séjour de quatre jours, nous fûmes invités par un régiment de parachutistes hollandais qui cantonnait à quelques kilomètres de Hollandia.

Nous leur apportions une bouffée de civilisation, eux qui ne voyaient que rarement des blancs, dans cette île en grande partie inexplorée.

La soirée fut des plus agréables, et, bien que nous ne parlions pas la même langue, avec un peu de français et quelques mots d¹anglais, nous arrivâmes à nous comprendre.

Ils nous racontèrent, que peu de temps auparavant, ils avaient voulu explorer la forêt vierge. Ils s¹étaient enfoncés à une centaine de kilomètres à l¹intérieur des terres, mais ils avaient dû rebrousser chemin, la forêt étant trop dense, de plus, ils avaient subi les attaques d¹une tribu de coupeurs de têtes. Ils nous donnèrent des trophées qu¹ils avaient rapportés de leur expédition, des lances, des arcs et des flèches empoisonnées. Je reçus pour ma part, deux superbes javelots authentiques, que par l¹inconscience de ma jeunesse, j¹eus la sottise de casser en voulant jouer au sauvage, à bord du Trident.

Le lendemain, nous rendîmes la politesse aux paras hollandais, qui vinrent, pour partie sur le Glaive et pour partie sur le Trident.

 

Nous appareillâmes de Hollandia le soir du quatrième jour, le Glaive devant, le Trident derrière. Nous mîmes le cap vers le nord ‹ c¹en était fini de la route au deux cent soixante dix, que nous suivions depuis San Francisco ‹. Nous naviguions maintenant dans la mer des Célèbes.

Le surlendemain, je venais d¹entamer mon quart depuis une heure, lorsque nous approchâmes d¹une île dont le sommet rougeoyant nous intriguait depuis quelques temps. L¹île s¹avéra être un volcan en éruption.

Le spectacle était fascinant, avec ces gerbes de laves incandescentes qui jaillissaient du sommet dans la nuit, jetant une lueur d¹enfer sur les pentes encore sombres de la montagne et sur la mer d¹un noir d¹encre. Notre route était telle, que nous allions doubler ce volcan par tribord, à deux ou trois encablures au maximum.

Bien qu¹il ne fût que cinq heures du matin, le ³Pacha³ décida de faire réveiller l¹équipage, afin qu¹il ne manquât pas ce spectacle, qu¹aucun de nous n¹aurait plus sans doute l¹occasion d¹admirer.

 

Après quelques jours de mer, le 28 mai, nous touchâmes Sandakan, petit port grouillant d¹activité, situé dans la province de Sabah, au nord-est de l¹île de Bornéo, alors colonie britannique.

Le port de Sandakan dégageait toutes les senteurs de l¹Asie . Les marchandises, emballées dans des toiles de jute, répandaient un mélange subtil des divers parfums de vanille, de cannelle, de poivre, de café, dans un va-et-vient permanent de coolies affairés.

La petite ville, en elle-même, n¹offrait pas une grande originalité; les rues étaient bordées de maisons basses, de construction légère, abritant de nombreux commerces tenus par des chinois.

Non loin de notre amarrage, un sous-marin anglais le Sea Turtle, faisait lui aussi escale. Une bagarre éclata le premier soir, entre les Anglais et les copains des deux patrouilleurs qui étaient de sortie. La rivalité, pour ne pas dire la haine, était notoire entre les deux marines, surtout depuis l¹affaire de Mers-el-Kébir.

Les jours suivants, le commandant du sous-marin préféra consigner son équipage à bord, jusqu¹à notre départ.

Notre ³Pacha³ s¹arrangea pour nous organiser une excusions dans l¹île. Nous visitâmes ainsi, une plantation d¹hévéas, et une usine de transformation du latex en caoutchouc, choses que nous n¹aurions plus jamais l¹occasion de voir par la suite.

 

Le 1er juin, nous mîmes le cap sur le terme de notre voyage, Saïgon. Nous essuyâmes un coup de tabac comme il y en a beaucoup en cette saison des pluies. Alors que nous embarquions des paquets de mer sur bâbord, quelqu¹un laissa s¹échapper le cacatoès. Ce dernier, balayé par une lame déferlant de bâbord avant, fut emporté sans que l¹on puisse lui venir en aide.

Nous fûmes attristés de perdre cette nouvelle mascotte, heureusement il nous restait ce cher Colgate, le corniaud américain, qui lui, avait le pied marin et savait s¹abriter les jours de gros temps.

 

La terre d¹Indochine fut bientôt en vue. Nous doublâmes le Cap Saint-Jacques ‹ la station balnéaire des colons, avant la guerre ‹ sur tribord, puis nous remontâmes la Rivière de Saïgon, bordée de palétuviers. Arrivant dans un pays en guerre, le ³Pacha³ nous fit prudemment appeler au poste de combat.

J¹avais mon poste de combat comme pointeur-tireur, au canon de 40 m/m. Je m¹installai à mon poste, casqué, paré à toutes éventualités.

Par bâbord, nous dépassâmes le poste de Nha-Bé, espèce de petit fortin formé d¹une tour entourée d¹une palissade en bambous. Puis, nous croisâmes le patrouilleur Huê qui descendait la rivière, partant sans doute, en mission. Nous nous saluâmes, comme il est de coutume dans la marine, ce que faisant, nous constatâmes qu¹à bord du Huê, les marins semblaient décontractés et n¹avaient pas été appelés au poste de combat. Nous en fîmes la remarque à nos officiers, qui admirent que la zone devait être plus pacifiée qu¹ils ne le pensaient, et nous permirent de relâcher notre attention.

Au détour d¹un méandre, nous longeâmes le petit port de commerce de Saïgon, puis, enfin, nous arrivâmes à notre poste d¹amarrage, à l¹entrée du port de guerre. Nous accostâmes les premiers, le Glaive venant s¹amarrer bord contre bord, par bâbord.

 

Fin du chapitre IX

 

 

Page TRIDENT

Chapitre VIII Toulon

Chapitre X l'Indochine

Chapitre XI Brest